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13 novembre 2009 5 13 /11 /novembre /2009 10:07

          Dans un récent billet sur le site Médiapart (http://www.mediapart.fr/club/blog/eric-fassin/121109/le-prix-de-la-liberte-d-expression#comment-421751), Eric Fassin revenait sur l'affaire Ndiaye/Raoult. Il remarquait que lorsque Marie NDiaye s'est vu décerner le prix Goncourt, le 2 novembre, on a beaucoup souligné qu'en plus d'un siècle, elle n'était que la dixième femme à en bénéficier mais qu'il n'y avait pas eu un mot sur le fait que la femme qui reçoit ce prix est noire. « L'institution littéraire serait-elle «aveugle à la couleur» (color-blind)? Ou bien le sujet serait-il tabou ? » se demande-t-il. Il souligne qu'on invite souvent les homosexuels à la discrétion et qu'on pourrait donc craindre que,  pour les " minorités visibles ", le prix de la reconnaissance ne soit l'invisibilité, ou du moins la " réserve ". Je trouve cette interpellation très pertinente.

          Pierre Tévanian dans " La mécanique raciste " (Dilecta, Paris, 2008) montre comment " tout allait bien " tant que les non-blancs restèrent dans la représentation française dominante des corps invisibles (pas vus à la télés), puis des corps souffrants (" oh les pauvres victimes de racisme, d'exploitation ") objet de condescendante charité des blancs. En revanche, les gardiens de la décence publique ont commencé à hurler à l'inacceptable, au communautarisme, au repli identitaire, quand ils commencèrent à revendiquer l'égalité. Là, ils devenaient des " corps hurlants " dont les propos dépassaient toujours les bornes : le rap était forcément violent, l'appel des Indigènes de la République malheureusement excessif, le CRAN automatiquement communautariste. Et effectivement, ils dépassaient les bornes, puisqu'en revendiquant ou en se comptant en égaux, ils tentent d'aller au delà des bornes qui les maintenaient dans les limites de la place qui leur était assignée : dans l'infériorité.

          C'est en cela que la remarque sur la noirceur de Marie Ndiaye d'Eric Fassin me paraît particulièrement pertinente : se mettre à égalité en usant de sa liberté d'expression pour critiquer le pouvoir, c'est forcément pour une noire, femme, être considéré comme un corps hurlant, dépassant les bornes assignés. On avait eu la gentillesse de lui donner un prix, elle n'allait pas en plus comme les écrivains blancs dire ce qu'elle pensait, débiter des bêtises, s'exprimer sans réserve. Le célinien Houellebecq (prix de Flore, prix Novembre, prix Interallié...) peut lui débiter ses insanités islamophobes, Eric Raout n'appelle pas au droit de réserve des lauréats de breloques.

          La seule chose à laquelle elle a échappé c'est qu'on estime ses propos d'hystériques, mais comme femme elle aurait pu s'astreindre à la réserve des Miss France, sages comme des images et pourtant elles aussi assignées à leur utérus...

          L'impensé de Raoult, ce n'est pas le droit de réserve pour les écrivains, mais pour les non-blancs qui doivent rester des corps invisibles, au mieux des corps souffrants que Raoult, gentiment, voudra bien aider, les pauvres...

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Proposition

          De la folie d'amour, qu'est-ce qu'on a fait ? Cette fadeur qui nous étouffe et qui nous tue. Il faut que cela cesse. Il nous faut vivre éternellement la grâce et ne plus avoir peur. Toujours être pour l'autre ce que l'on est vraiment. Ne pas dire non, jamais. Et puis s'abandonner, brûler de tous les feux ; à en mourir. Et en mourir. De l'énergie qui en découle créer le beau. Sans concession, s'abandonner à l'autre. Émouvoir la nature au point de la faire suffoquer peut-être.
          Car enfin, pourquoi donc on s'obstine à dire que l'on ne s'aime pas ? C'est quoi ce besoin de pleurer seul, cette peur ? C'est le mystère.
          On meurt des temps figés, des questions inutiles, des engagements faciles. Mais rien n'empêchera jamais les méchants d'être méchants, la bête immonde d’être à certains vitale, le malsain d'être immuable. L'arme absolue ne combat plus que l'innocence et, pacifiés, nous sommes l'agneau face au couteau.
          C'est la mélancolie qui nous sauvera, un jour, tout à la fin, de tout ce miasme incohérent et sans visage, de cette horreur qui fait pleurer, de cette souffrance. C'est de cette paix qu'il nous faut, le coeur attendri de soi-même et des autres, de cet appel où tout s'effondre pour renaître.

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